J'ai récemment passé quelques jours dans la petite ville balnéaire de Phan Thiet à 250 kilomètres de Saïgon. Les plages sont semées de "bateaux paniers". Voilà des embarcations bien improbables: la forme et la couleur d'une demi noix de coco, grandes et profondes comme une simple baignoire; tressage serré de rameaux de cocotier sur une ossature de bambou. Une simple planche est fixée au diamètre du canot pour recevoir l'unique passager. Une corde de chanvre maintient verticalement une rame de bois pour la godille avant. La coque de jonc est enduite d'une résine épaisse, dure et brunâtre qui vient de l'arbre à huile. Ce sont des barques marines pour la pêche à la ligne ou la navette entre les villages côtiers et les bateaux d'acier coloré, ancrés au large des plages striées de rochers coupants. Leur chemin n'est jamais long, à peine quelques centaines de mètres. Avant que l'aube n'enflamme la mer, ces chaloupes se suivent en chapelet sombre et divaguent parfois pendant des heures avant de revenir s'échouer devant quelques baraques. Ce sont en effet de gros paniers ballotés sur les flots de la mer de Chine. La nuit, ces rafiots sont tirés sur la grève. La rame en baïonette, ventre en l'air, ils montent la garde devant les cabanes des pêcheurs.