La situation politique s'est passablement tendue ces derniers jours au pays du sourire. Après l'arrestation et l'incarcération du directeur de radio Abeille le 11 octobre, c'est le patron du syndicat des enseignants indépendants du Cambodge, Mr Rong Chhun qui a été placé en détention le 15 octobre. Il a été intercepté au poste frontière de Poïpet alors qu'il tentait de fuir le pays pour la Thaïlande. D'autres syndicalistes indépendants sont en fuite ou se cachent. Un mandat d'amener a été émis à l'encontre du prince Thomico Sisowath, le conseiller de l'ex-roi Norodom Sihanouk. Il a quitté précipitamment le pays mardi dernier. Toutes ces personnes et d’autres aussi qui quittent le pays ou se terrent en province, sont accusées de diffamation envers le Premier Ministre Mr Hun Sen. D'autres encore, dans l’armée ou l’administration sont dans le collimateur du gouvernement.
Leur crime? Avoir émis des réserves sur l'accord signé à Hanoi en grand secret le 10 octobre dernier entre Mr Hun Sen et les autorités vietnamiennes sur le tracé de la frontière khméro vietnamienne. Personne n’a pu voir le tracé entériné par l’accord, pas même l’Assemblée Nationale. Mais il se dit qu’il s’agit simplement du tracé imposé par le Vietnam en 1985 au moment où il occupait le Cambodge. Pas forcément un bon tracé pour le Cambodge donc, ce qui expliquerait les secrets du gouvernement et la grogne de la population. Le Ministre avait prévenu : il traînerait devant les tribunaux, notoirement inféodés, toute personne qui oserait dire que l’accord se faisait aux dépens du territoire cambodgien. L'ex-roi a prévenu que son successeur, qui se tait depuis le début de cette crise, ne signerait pas l'accord.
Depuis lors le ton est encore monté. Le Premier Ministre a menacé de mettre fin à la monarchie et se dit victime d’une tentative de coup d'Etat. Il a multiplié les mises en garde à l'égard de plusieurs personnalités, y compris son propre frère, gouverneur de la province de Kompong Cham. Il a répété dans des discours publics qu'il n'hésiterait pas à recourir à l'armée, précisant que ceux qui essaieraient de le renverser mourraient.
Cette crise sur les frontières est la plus grave que connaît le pays depuis 1997. Elle est le dernier avatar d’un régime dont les dérives autoritaires enflent de jour en jour. Le moins qu’on puisse dire c’est que le Cambodge n’est pas au mieux de sa forme. Un méchant cocktail de corruption, d’autoritarisme, d’absence de droits, de mafia politico-militaire affairiste, d’irresponsabilité et de mensonge au sommet de l’Etat plonge de plus en plus la population dans le désespoir et l’amertume. Aujourd’hui elle encaisse les coups, elle souffre et ne peut rien faire.
Quelle affaire !
Rédigé par : Philippe | 24/11/2005 à 05:33