Les électeurs ont hier donné tort à ceux qui prétendent qu'on a beau voter n'importe comment, ce sont toujours les mêmes qu'on retrouve au gouvernement. En réalité, c'est à un véritable bouleversement du paysage politique qu'on a assisté à l'issue du scrutin de dimanche. Encore plus au Nord qu'au Sud du Pays. La famille socialiste s'effondre. Les sociaux chrétiens flamands font le plein de voix. Les nationalistes flamands triomphent sur plusieurs listes: NVA, Dedecker, Vlaams Belang. Du côté francophone, on a assisté à une belle victoire ECOLO, même s'ils sont encore loin de leurs scores historiques de 1999, à une vague orange surtout forte à Bruxelles (bravo à tous ceux qui nous ont soutenu!) et à un renversement du rapport de forces entre les libéraux et les socialistes. Il y a des éléments dont on peut se réjouir: l'arithmétique permet de mettre les socialistes dans l'opposition. Je crois beaucoup à l'idée que l'alternance dans l'occupation du pouvoir, particulièrement en Belgique, est une bonne chose pour la démocratie et pour la qualité de la gouvernance. Car, on le sait, et Charleroi nous le rappelle tous les jours, le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument. A force de lotir l'Etat et de l'habiter, certains ont pu croire que cet Etat leur appartenait un peu. Trop.
De toutes façons, sur le plan socio-économique, la feuille de route des gouvernements est aujourd'hui largement inspirée par le contexte européen et international. Et le cahier des charges d'un exécutif fédéral belge s'impose à tous les gouvernants: viellissement, migrations, emploi, climat, sécurité sociale. Impossible de faire l'impasse sur ces urgences.
Reste la question des revendications nationalistes du Nord du pays. Elles seront sur la table. Plus que jamais. Pour des raisons plus émotionnelles que rationelles. Mais paradoxalement, on ne sait toujours pas très bien ce qui est prioritaire pour les flamands en matière institutionnelle et pour quelle raison. Depuis des années ils font du zapping institutionnel: une fois c'est BHV qui est dans la ligne de mire, plus tard, c'est la coopération au développement, puis c'est la sécurité sociale. Mais comme le budget de la sécu est en équilibre, on passe à l'emploi. Pour finir par avouer que ce n'est peut-être pas indispensable de défédéraliser l'emploi pour peu que les francophones s'attèlent sérieusement au problème. Alors on repart sur BHV. A en avoir le tourni...
La Flandre est une des régions les plus riches d'Europe, son économie tourne bien et les problèmes qu'elle doit affronter ne seront pas mieux résolus si ses leaders politiques désorganisent et affaiblisssent encore plus l'Etat fédéral qu'il ne l'est aujourd'hui. Verhofstadt l'avait bien compris: ne plaidait-il pas récemment pour un renforcement de certaines compétences fédérales (il aurait pu s'y prendre plus tôt)?
Il faut espérer que Leterme, qui n'est pas un sot, trouvera rapidement beaucoup plus excitant et fondamental de relever le défi du climat, celui de l'emploi, de la relance européenne ou des défis de la mondialisation que de s'amuser à patauger dans la bac à sable communautaire.