J’ai proposé à la Commission de l'Infrastructure de la Chambre de se rendre à Schiphol, aux Pays-Bas , afin de voir comment un grand aéroport européen gère les nuisances aériennes et le dialogue avec les riverains. Ce fut chose faite vendredi. Le moins qu'on puisse dire c'est que les parlementaires ont été impressionnés par ce qu'ils ont découvert. Zaventem se trouve encore à l'âge de la pierre lorsqu'on compare la gestion des nuisances sonores de notre aéroport à la gestion de l'aéroport de Schiphol.
D'abord, en matière de développement aéroportuaire, nos voisins hollandais estiment que Schiphol doit pouvoir se développer jusqu'à un certain point mais qu'il a atteint sa capacité environnementale maximale et que celle-ci doit même diminuer. Le développement économique doit se faire uniquement dans la fonction de "main port" de Schiphol aux Pays-Bas et en ne dépassant pas les émissions de bruit actuelles. Cela signifie par exemple que tout ce qui est "low cost" est rejeté de l'aéroport de Schiphol vers des aéroports plus petits, plus éloignés des centres urbains et que toute augmentation du nombre de mouvements n'est autorisée que si le bruit global pour les riverains, calculé selon un logarithme complexe, n'est pas augmenté.
L'aéroport est quasiment fermé la nuit (sauf un nombre très restreint de vols), de 23h à 7h du matin, Zaventem ne limitant ses vols que de 23h à 6h. De plus, la nuit, seules deux pistes sont ouvertes pour les vols encore autorisés.
Schiphol, comme Zaventem, interdit les avions les plus bruyants, mais Schiphol pratique des tarifs prohibitifs pour les avions encore trop bruyants. En fonction du bruit de l'avion et de l'heure à laquelle il décolle, il peut en coûter jusqu'à 6
fois le tarif de base à la compagnie aérienne, alors qu'à Bruxelles le surcoût ne dépassera pas 2 à 3 fois le meilleur tarif (par ailleurs moins cher qu'à Schiphol).
La concertation avec les riverains est également infiniment plus développée qu'à l'aéroport de Bruxelles National. Depuis près de 10 ans, il existe un organe d'avis organisé par la loi (le CROS) qui regroupe les associations, les communes ainsi que les 3 provinces riveraines de Schiphol. En tout, 25 membres qui émettent des avis
sur la gestion des nuisances aériennes et les mouvements d'avions à l'attention du Ministre en charge du trafic aérien. Cet organe est très actif et le Ministre suit ses avis dans l'immense majorité des cas. Chaque proposition de modification de routes fait l'objet de tests et est corrigé s’ils ne s’avèrent pas satisfaisants.
Cet organe d'avis contrôle en outre le BAS, bewoners aanspreekpunt Schiphol, où une équipe de 7 personnes traite les plaintes, les questions et les informations aux riverains. Cet interlocuteur unique est financé pour moitié par l'aéroport et pour moitié par l'organe néerlandais de contrôle aérien. En Belgique, il s'agirait de Brussels Airport et de Belgocontrol. Le BAS est ouvert 7 jours sur 7 de 9h à 17h. Son système de gestion des plaintes est certifié par un bureau extérieur. Chaque riverain peut connaître en temps réel l'utilisation des pistes, les conditions météo et les prévisions pour les prochaines heures. Il peut suivre le trajet de chaque avion, l'intensité du bruit qu'il émet.
Si un avion quitte la route autorisée par les autorités, ce n'est pas la compagnie qui est sanctionnée, mais le contrôleur aérien, étant entendu qu'un avion vole toujours sur instructions de celui-ci. Un contrôleur aérien qui donne une autorisation de décollage après 23h risque une amende de 5.000€! Grâce au site web du BAS, chaque riverain peut connaître l'intensité moyenne annuelle du bruit qu'il subit calculé selon l'indice Lden, qui intègre l'intensité du bruit, sa fréquence, son occurrence de jour, en soirée (compte trois fois plus) ou la nuit (compte 10 fois plus).
Chaque riverain peut connaître à tout moment le nombre d'avions qui ont survolé sa maison, à quel moment, quel bruit, quelle route. Il existe un lien obligatoire entre les sites des communes riveraines et le site de BAS. Les développeurs de projets immobiliers sont tenus de fournir les informations Lden aux candidats acquéreurs pour éviter toute surprise
désagréable à l'acquisition d'un bien proche de l'aéroport.
Le BAS mène également une politique active d'isolation des maisons les plus exposées au bruit. 750 millions € ont ainsi été dépensés ces dernières années pour l'isolation de 13.000 maisons. Les riverains de Zaventem n'ont eux jamais bénéficié du moindre Euro pour leurs travaux d'isolation...
Bref, Schiphol est à des années-lumière de Zaventem en matière de gestion des nuisances aériennes et de concertation avec les riverains. Pourtant Schiphol se développe et Zaventem est à la peine. Y aurait-il un lien?