Comme annoncé, voici la lettre que j'ai reçue de Monsieur Cagle Vice-président de la société pétrolière SOCO Internattional plc suite à ma proposition de résolution concernant le Parc des Virunga ainsi que ma réponse.
Lettre de Mr Cagle :
Téléchargement 2012 1129 SOCO International plc - Georges Dallemagne
Ma réponse :
Cher M. Cagle,
J’ai bien reçu votre courrier du 29 novembre dernier par lequel vous me faites part de votre point de vue sur vos activités en République Démocratique du Congo, et sur la résolution votée en Commission des Relations Extérieures de la Chambre exigeant notamment que vous renonciez à toute exploration pétrolière dans le parc des Virunga. J’y réponds volontiers.
Dans ce courrier, il me semble que vous esquivez les problèmes graves que constituent vos activités pétrolières au Congo dans le Parc des Virunga et en particulier le « contrat de partage de production » que vous avez signé avec le gouvernement congolais.
En effet, la question n’est pas de savoir si vous avez été, comme vous l’affirmez dans votre courrier, invité ou non par le gouvernement congolais, mais si vos activités dans le parc sont légales ou pas au regard des règlements nationaux et internationaux.
Et le moins qu’on puisse dire c’est que ces activités enfreignent clairement la loi et la constitution congolaise, les conventions internationales qui lient la République Démocratique du Congo et l’UNESCO concernant la protection du patrimoine mondial et les règles de bonne conduite de l’OCDE. Ces dispositifs interdisent en effet toute exploitation ou même exploration pétrolière dans les Virunga.
De plus, des informations provenant de sources concordantes et fiables font état d’actes de corruption ou de tentatives de corruption de votre part à l’égard de gardiens du parc et de responsables congolais locaux. S’ils étaient démontrés, ces actes violeraient également une série de dispositions dont les lois du commerce anglais auxquelles votre société est soumise.
Vous participez à « l’Evaluation Environnementale Stratégique du parc » mise en place par le gouvernement congolais. Nous regrettons profondément que vous participiez à cet exercice qui réclame un opérateur impartial. Car derrière ces mots trompeurs, le gouvernement congolais cherche surtout à évaluer les quantités de pétroles exploitables dans le parc aux dépends des considérations environnementales. En effet, selon les termes du communiqué du 8 août 2012 du gouvernement congolais dont vous faites mention dans votre courrier, cette évaluation pourrait le cas échéant se traduire par « une désaffection partielle du Parc National des Virunga au profit des activités d’exploitation pétrolière ».
Vous comprendrez donc notre inquiétude à vous voir participer à un tel exercice, étant donné l’objet social de votre société et les attentes de vos actionnaires.
Par ailleurs, vous prenez argument de l’extrême détérioration actuelle du parc pour affirmer que vos activités auraient par comparaison peu de conséquences. Je m’indigne qu’une société qui prétende agir de manière responsable tienne un tel raisonnement. La fragilité actuelle du parc exige au contraire l’abstention absolue de tout risque supplémentaire pour l’avenir du parc. A cet égard, International Crisis Group auditionné hier en Commission des Relations Extérieures de la Chambre des Représentants de la Belgique a estimé que l’exploitation des ressources pétrolières à l’est du Congo pourrait être « un delta du Niger bis: saccages environnementaux, insurrection de la population et rivalités étatiques sur la question des frontières, un cocktail particulièrement explosif ». On est loin de votre vision idyllique.
La résurgence du conflit à l’Est du Congo ces dernières semaines a notamment pour cause évidente la volonté de mainmise de la part de gouvernements et de groupes armés sur les revenus du sous-sol congolais y compris les revenus supposés du pétrole.
Concernant le développement économique de la région des Virunga, le tourisme, la préservation des écosystèmes, l’exploitation raisonnée de la pêche et du potentiel hydroélectrique constituent des alternatives bien plus adaptées, crédibles, durables et stabilisantes dans et autour du parc des Virunga.
Je suis certain que vous-même et vos actionnaires seront sensibles aux arguments développés dans ce courrier ainsi qu’à l’appel pressant des parlementaires belges pour que vous renonciez à vos activités en dehors du parc. Il est évident que la République Démocratique du Congo offre de grandes opportunités pour les opérateurs énergétiques en dehors de ses zones de protection naturelles. Nous attendons des opérateurs concernés qu’ils respectent donc totalement ces zones de protection fragiles, exceptionnelles et tellement indispensables à l’avenir des populations, et à la beauté du monde.
Il me semble utile de partager notre échange de courrier avec mes collègues belges, anglais et membres du parlement européen.
Salutations distinguées,
Georges Dallemagne
Député
Chambre des Représentants
Royaume de Belgique